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Lundi matin, la trayeuse démarre, mais je ne suis pas à la barre. Sac à dos, frontale, bâton et chaussures de rando, je largue les amarres.
En sortant de la ferme, je tourne à gauche, en marche vers le levant. Pendant 6 jours, me donc voici sur les sentiers, pour une petite pause sous forme de marche, en itinérance et en jeûnant.
Au sud d’Argentré-du-Plessis, je rejoins le sentier de grande randonnée de pays du tour des marches de Bretagne. Ce GRP s’enroule autour de la forêt du Pertre, puis m’emmène derrière les immenses carrières de Saint Pierre-la-Cour.
Port-Brillet: la cité des forgerons
Je perce ensuite le bois des Gravelles pour gagner en début de soirée Port-Brillet. C’est un village particulier, qui s’est lové entre 2 lacs et 3 forêts. Sa position s’explique par son histoire: avant d’être un village, Port-Brillet fut une forge.
La présence d’un moulin et de minerai de fer accrédite l’hypothèse de la présence d’une forge rudimentaire dès le milieu du XIe siècle. Elle deviendra la plus grande forge de l’ouest en façonnant des canons, des boulets et du fer en barres.
En 1874, Port-Brillet voit le jour en tant que commune, grâce à l’insistance des forgerons. On prend des terrains à Olivet, d’autres à La Brûlatte. Comme de bien entendu, pendant des décennies, le dirigeant du site est aussi monsieur le maire.
Les industriels fondeurs profitent du génocide de 14-18 pour développer leur entreprise. Il faut produire massivement et rapidement obus et grenade. Femmes, personnes âgées, soldats rappelés du front… L’usine tourne à plein régime. Pour les dirigeants, c’est la prospérité. Armand Chappée entretient son patriarcat en créant à Port-Brillet une salle de cinéma, des bains douches, une salle des fêtes…
Années 70 et 80, c’est le déclin qui s’amorce. Les forges se font rachetées puis revendues. Lorsque l’usine tombe dans les mains d’une multinationale luxembourgeoise, c’est le début de la fin.
Aujourd’hui, le site est une immense et grise friche industrielle, en attente d’une reconversion.
le Brillet Pontin: l’oasis des forêts
La mise en jambe de la première journée de marche fut la plus éprouvante: mal au crâne, mal au genou et fatigue générale. Lorsque je pénètre à Port-Brillet, sur la route coincée entre le lac et la friche des forges, j’ai envie d’un lit.
J’aperçois au loin une lumière verte et clignotante, peut-être s’agit-il des feux d’un hôtel des voyageurs? La désillusion se précise et fur et à mesure de mon approche, c’est une pharmacie. C’est la sortie du travail, il y de l’agitation dans la rue principale. Les boulangeries vendent leurs derniers pains de la journée, certains commerces semblent fermés depuis de nombreuses années. Soudain, un panneau: l’auberge du village! Malgré la pente raide, mon pas s’accélère. Arrivé sur la place de l’église, je distingue une imposante bâtisse illuminée: longue vie à l’auberge du Brillet Pontin!
Vous pourrez vous balader sur le GR de Pays qui relie Port-Brillet et le Genest-St-Isle. Entre ces deux villages, le sentier emprunte de nombreux chemins creux et traverse de splendides vallons.
Je passe sous la LGV puis sur l’A81, au niveau du GAEC de l’épine, à Saint Berthevin.
La mayenne canalisée
Au matin du troisième jour, je me réveille à Changé, cité cossue située au nord de Laval et au bord de la Mayenne. Ma journée va se passer sur la berge. Je vais remonter la Mayenne jusqu’à la ville dont la rivière est l’éponyme.
Le chemin de halage a trouvé sa nouvelle vocation: les marcheurs et runners mayennais ont remplacé les chevaux qui tractaient les péniches.
Vers le milieu du 19ème, un grand chantier de canalisation permit d’intensifier la navigabilité de la rivière. Lorsque je suis remonté plus en amont, sur les terres de Couptrain, j’ai découvert une mayenne moins productive mais plendide et indomptée, serpentant à son gré aux creux des vallées.
De Laval à Mayenne, on passe devant les maisons des éclusiers, toutes construites selon un plan type qui ne varie guère. On aperçoit les moulins, en ruine ou rénové, et quelques châteaux qui ont servi ou qui servent de villégiature.
Lassay les Châteaux, vente directe et télédétection
4ème jour, je quitte la ville par une ancienne voie ferrée direction Ambrières-les-Vallées, mais à Saint Loup-du-Gast, je bifurque vers les communales, les vicinales et les chemins à vaches. Mon objectif est d’atteindre Lassay-les-Châteaux avant la tombée de la nuit.
En arrivant à Lassay par Niort la Fontaine, j’arrive au XIV ème siècle.
Cette nuit, je dors à la ferme de Tom. A la sortie du bourg, Caroline, Eric et leur fils Thomas ont repris une ferme de vaches allaitantes (80 mères charolaises sur 75 hectares), il y a 2 ans, en introduisant un élevage supplémentaire: des brebis romanes. Lorsque j’arrive en début de soirée, Caroline est en train de biberonner les agneaux sans mère. Au delà de 2 agneaux, la brebis ne peut pas fournir le lait.
Thomas s’est installé jeune, à 22 ans, mais pour ses parents, il s’agit d’une belle reconversion: ils se sont installés juste avant d’entamer la cinquantaine. Caroline travaillait dans la grande distribution. Aujourd’hui, elle gère la vente directe des viandes produites ici. Elle s’occupe aussi des deux belles chambres d’hôtes à l’étage de la maison. Eric n’est pas à temps plein sur la ferme car il continue son travail de recherche à l’institut de l’élevage. Après avoir dirigé plusieurs fermes expérimentales en élevage allaitant, il travaille aujourd’hui sur la télédétection de la pousse de l’herbe. Plus précisément sur un indicateur appelé « Indice de Production Fourragère », développé par la société AIRBUS Defense & Space, et obtenu à partir du traitement d’images satellitaires.
Autrement dit, il s’agit de développer un outil pour voir comment pousse l’herbe… depuis son écran. Eric aime son métier mais il me l’a confié: ce en quoi il croit, c’est aux fermes en système pâturant, économes et autonomes, sans gros investissements mais à forte valeur ajoutée. Un peu comme ici, à la ferme de Tom…
Ce soir, Caroline a une réunion à propos d’un marché d’été de producteurs locaux, réunion organisée par les Entrelacés. Cette association organise depuis 22 ans un gros festival des arts dans les rues et les places de Lassay. Il a lieu mi-juillet, et les chambres de la ferme de Tom sont encore disponibles… avis aux amateurs!
La Mayenne en profondeur
Vendredi, cinquième jour, je ne sais pas encore que ça sera une journée de marche mémorable. Je pars de Lassay-les-Châteaux, plein est, avec pour objectif d’atteindre Pré-en-Pail dans la soirée. A Les Chapelles, je récupère le GR de Pays Tour de la Mayenne Profonde.
Chambre d’hôtes secrète
Malgré la nationale 12 qui la coupe en 2, Pré-en-Pail a perdu son unique hôtel depuis plus de 10 ans. Dans la campagne environnante,, il y avait un B&B tenu par des anglais, mais c’est aussi fermé. En appelant la mairie, j’ai quand même réussi à obtenir un numéro, une chambre d’hôte dans le bourg, rue de Caen. C’était le seul moyen d’obtenir le numéro de Françoise et Gérard. Ils se sont retirés des catalogues car ils sont souvent sur la route, chez leurs enfants disséminés dans toute la France et en Suisse. Quand ils sont là, ils ont en tout cas une vraie passion de l’accueil. Si vous êtes dans les parages, je vous recommande donc d’appeler la mairie de Pré-en-Pail afin d’obtenir le numéro de la chambre secrète de Françoise et Gérard!
Le sommet du grand ouest
Gérard se lève plus tôt que d’habitude pour me dire en revoir avec Françoise. Direction la forêt de Multonne et son Mont des Avaloirs (416m), le point culminant de tout le massif armoricain. La forêt couvre près de 700 hectares avec 3 espèces dominantes: le chêne sessile, le bouleau verruqueux et le pin sylvestre, introduit dès 1850 pour reboiser les parcelles. Parmi les autres espèces, notons le hêtre, le saule, le merisier et l’alisier terminal. Dans les années 60 furent introduits le douglas et l’épicéa.
En arrivant au Mont des Avaloirs, je me retrouve nez à nez avec 2 pylônes de 18m coiffés d’une soucoupe:
Pour comprendre l’origine de cette tour en béton, il faut remonter à 1914 et au propriétaire de l’époque des terres des Avaloirs. Il s’agissait de Félix Le Prêtre, avocat à la cour d’Alençon, qui fit construire un petit belvédère pour admirer la vue. Belvédère qui fut détruit pendant la seconde guerre, mais reconstruit en 1954 avec les restes métalliques d’un pipe-line.
En 1994, la disparition totale du pâturage de la lande par les moutons a laissé la place aux arbres sur le Mont. Les arbres ont grandi. Les hommes ont alors construit ces pylônes de 18m.
Condé sur Sarthe: le prochain QG de Fillon
En sortant de la forêt de Multonne, je traverse le village de Ravigny, puis le bois des Jarrias. En passant devant la Manigance, je médite sur la vie politique de l’état français.
Et puis, quelques pas plus loin, je distingue les miradors de la prison la plus sécurisée du pays à Condé sur Sarthe.
Fin du sixième jour, me voici dans la préfecture de l’Orne. C’est la fin de cette première étape La Chènevétrie – Alençon. Je romps le jeûne en croquant la pomme mayennaise (merci Pierre!).
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