Lactalis est le premier groupe laitier au monde, avec 17 milliards de chiffre d’affaire, 75 000 salariés et 230 usines répartis dans 43 pays différents.
Après 10 années à produire du lait pour ce groupe,j’ai réalisé à quel point il s’agit d’une organisation sans aucune vision à long terme.
Nous avons signé un contrat le 24 novembre 2009, qui m’engageait à leur livrer du lait bio jusqu’au 31 mars 2017, il est temps pour moi de ne plus participer à la fortune de Besnier. Il est temps pour moi de m’affranchir du lactalisme.
Le lactalisme est un système qui concentre le pouvoir autour d’un chef invisible, à la tête d’un groupe industriel qui a pour seule valeur la chrématistique, c’est à dire dont la seule finalité est la monnaie, pour elle-même.
Le groupe considère le dialogue social avec les éleveurs comme une relation verticale et brutale, où les paysans sont considérés comme des sous-employés, producteurs de matière première. Lactalis, c’est l’histoire d’une réussite industrielle qui a dérivé en monstre froid asphyxiant l’agriculture en imposant des prix indignes aux productrices et producteurs laitiers. Les porte-voix du groupe évoquent « la réalité des marchés » pour justifier les prix du lait dramatiquement bas.. Mais quelle est la réalité ?
Emmanuel Besnier est devenu cette année la 8ème fortune de France. De 4 milliards en 2013, son porte-monnaie est passé à 11 milliards en 2017. Pendant ces quatre années, combien d’agriculteurs ont abandonné, exténués, endettés, voire suicidés?
Quel sens Besnier trouve dans cette attitude ? Quel sens trouve-t-il à vivre ainsi reclus dans un palais d’or au milieu d’un champ d’ossements ?
Comme un ténia qui enfle aux dépens de son hôte, Lactalis grossit en tuant les fermes. Mais Lacatlis est incapable de survivre sans nous. Sans éleveurs, sans vaches, sans lait, Lactalis est condamné. Tandis que nous pouvons très bien se passer de ce groupe; de nombreux outils de transformation existent déjà et ne demandent qu’à se développer.
L’agriculture vivra, l’élevage laitier autonome vivra, mais Lactalis paiera. Lactalis paiera devant les tribunaux des paysans, les morts et les vivants.
Si je quitte Lactalis, c’est aussi parce que j’ai rencontré une alternative pleine de sens pour vendre mon lait bio. Depuis le 1er avril 2017, le lait de la Chènevétrie est collecté par Biolait.
Biolait est un groupement d’éleveurs laitiers qui se sont organisés pour collecter eux-même le lait et trouver des partenaires pour le vendre. Ils ont démarré à 6 en 1994. Aujourd’hui, avec 1000 fermes, Biolait est le premier collecteur de lait bio en France.
Un groupement dont une des priorités est la démocratie et la transparence. Pour la première fois, le 30 et 31 mars, j’ai participé à l’assemblée générale. C’était épatant : imaginez 650 éleveurs réunis dans une même salle, à débattre de leur projet politique commun et de leurs stratégies. Ça applaudit, ça proteste, ça fuse, ça débat, mais toujours de manière respectueuse et fructueuse.
Entre chaque plénière, ce fut un tourbillon de rencontres et une vraie richesse d’échanger sur tout [ chien de troupeau, pâturage, chicorée, race à viande, vente directe, transfo, politique agricole, vêlage groupés, monotraite, la vie…] avec tous [des vosgiens, des finistériens, des gars du nord, des alsaciens, des aveyronnais, des productrices des monts du lyonnais, des normands, et avec mes voisins vergelais.]
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