Morvan Dieux

17 septembre 2020

Préambule

Je replonge dans mes notes, je retourne sur les chemins morvandiaux. Je repars là-haut, dans les grands courants d’air de ma marche en jeûnant, ou de mon jeûne en marchant… de mon pèlerinage en jeûnant ou de mon jeûne en pèlerinant. Une amie vient de m’envoyer son livre: la traversée de la Mayenne, où elle passe une bonne partie de son temps à se demander ce qu’elle est en train de faire, à quoi bon revenir errer dans sa Mayenne natale, qu’est ce qu’elle y cherche? C’est passionnant. Au fil de sa marche, elle réalise avec nous à quel point cette terre et ce peuple l’ont marqué bien plus qu’elle ne le pensait. Quant à moi, je suis parti au contraire avec un statut clair et reconnu: pèlerin. Pèlerin particulièrement dévot car pèlerin pénitent: pèlerin jeûneur (un gars du Cher m’a demandé un jour si j’étais prêtre). La gâchette de cette aventure est d’avoir compris que le jeûne (mon docteur, fidèle, intègre et bon marché) est pour moi facilité – et surtout sublimé – par la marche en itinérance et en solitaire. Ma fascination pour les pèlerinages et Jérusalem a tranché sans hésitation la destination. Mais au fil des ans, mon chemin se méandre. Je n’avais pas soupçonné l’immensité du continent du silence et de la solitude, à la lisière entre l’extra-lucidité et la folie. Le jeûne est guérisseur, c’est un travail en profondeur… une traversée du désert pour décrasser les vieilles habitudes et les pensées paresseuses. Je ne m’attendais pas non plus à l’importance qu’allait prendre mon envie de témoigner de mes rencontres en écrivant. C’est à dire qu’au fil des ans, mon plaisir des rencontres s’est vu décuplé par l’idée d’en témoigner. ça m’aide tellement à être plus attentionné, à moins regarder en haut mais aussi autour.

Le rite du chocolat chaud

Sur la ligne Laval-Paris, je lis un entretien de Richard Flanagan, écrivain et journaliste : « les incendies australiens seront notre Tchernobyl climatiques. Dans 5 ans, l’Australie sera soit un leader mondial de la lutte contre le réchauffement climatique soit une dystopie autoritaire que ses dirigeants obligeront au suicide ».

Tchernobyl climatique, Fukushima pandémique, les alertes rouges oragent.

Dans les toilettes du TGV, sur la lunette relevée des chiottes, on peut lire « Macron », accompagnée de sa flèche pointant vers la cuvette, et sur le mur « on veut vivre, pas survivre», ou encore « plutôt Black Bloc que Blackrock».

Je pars en cure.

Paris, ce 19 janvier 2020, une explosion dans le métro, la station Montparnasse est fermée, Paris terne, grise. Un chocolat chaud, très sucré, gare de Bercy, c’est moins classe que l’hostie d’Alençon! Un peu téléphoné par rapport au chocolat d’Angers… mais ça a le mérite du rite. Le rite du chocolat chaud. Le chocolat chaud qui me fait basculer dans l’autre monde, celui du jeûne. Après le chocolat chaud, c’est plus facile de jeûner 10 jours que de sauter un repas. Nous nous sommes mis d’accord, tous les corps et les âmes de mon association de cellules spécialisées, que nous n’allions rien manger pendant 10 jours. La décision fut votée en CA à l’unanimité, décision irrévocable et non négociable.

Puis dans le train, ligne Bercy – Auxerre, je lis, et je commence à laisser les choses retomber toutes seules, le tambour battant du départ en fanfare s’estompe, le cœur se désemballe. La fatigue, le stress et l’excitation se dissolvent dans les bercements du train ; je me laisse gagner par la volupté, le calme, la solitude et la paix des rails. En entrant dans le duché de Bourgogne, j’entre en transe et je laisse le silence se faire en moi.

600 ans après Jeanne d’Arc, me voici dans le chef lieu de l’Yonne. J’erre un peu avant de trouver un hôtel. Demain, le bus part à 7h, celui qui m’amènera à Clamecy, la troisième station de mon pèlerinage annuel, ma troisième petite Jérusalem, après Alençon et Blois. La cathédrale Saint Etienne (bâtie du XIII au XVème siècle) est fermée; une plaque signale que Jeanne d’Arc y est passée le 27 février 1429, elle venait de Poitiers et se rendait à Gien… elle avait vraiment envie de venir à Auxerres parce que ce n’est pas du tout la route.

Fucking soft-branding

Clamecy, comme j’ai hâte de te revoir! Comme je t’aime!

Dès le début, quand je t’ai repéré, sur la carte, je me souviens très bien, à Chateauneuf-Val-de-Bargis, en février 2019, quand j’ai vu qu’il y avait une gare chez toi ! Clamecy, la ville du nord nivernois, ton hôstellerie de la poste ; hôtel merveilleux, libre et indépendant, pas comme le Maxime à Auxerre, sur les bords des quais de l’Yonne. Le Maxime, je l’ai choisi pour éviter l’ibis, éviter de participer à la consolidation d’AccorHotel, le sixième groupe hôtelier mondial. Choisir le Maxime, c’était pour moi un acte militant, privilégier un hôtel indépendant, fier, orgueilleux et maître de ses choix. En payant ma chambre au réceptionniste, je remarque soudain, inquiet, un logo discret mais déjà vu. Je demande si son hôtel est intégré à un groupe… oui, en effet, il appartient à Best Western, 10ème groupe mondial… je suis victime du soft-branding. Comme une franchise qui ne dit pas son nom, ce concept de marque blanche permet à un hôtel d’intégrer un groupe hôtelier tout en avançant masqué, en gardant sa propre marque. Best Western justement est un des pionniers des soft-brand en hostellerie et je me suis fait baiser.

Lundi 20 janvier 2020, au petit matin noir et glacial, nous sommes quelques uns à attendre le bus… devant la gare d’Auxerre. C’est fatigant ces bus qui se prennent pour des trains. Stéphane Villain, président d’un festival de spectacle vivant dans la Nièvre, l’a très bien écrit dans une tirade destinée à Franck Riester, plante verte qui fut un temps ministre de la Culture. Il l’invite à venir dans son festoche, les petites rêveries, à Brinon sur Beuvron:

« C’est très simple, ou presque : vous prenez le train à la gare de Bercy (si si, il y a une gare aussi) et vous descendez à Auxerre, parce que vous – les élites – avez remplacé la plupart des trains entre Auxerre et Clamecy par des cars. Vous aurez la chance d’être brinquebalé pendant 1h30 et d’assouplir ainsi vos adducteurs en maintenant le grand écart faute de place entre les sièges. Et c’est très bien car vous les aurez échauffés pour parcourir les 20 km qui resteront pour atteindre Brinon-sur-Beuvron à pied, car les cars vous les avez remplacés par… rien. Mais comme nous ne sommes pas vaches, nous irons vous chercher en voiture pour vous faire visiter les villes et villages où vous avez fermé, et où vous continuez à fermer, maternités, hôpitaux, postes, perceptions, classes et écoles, lignes de transport… Nous vous montrerons, malgré tout ce travail de sape, le dynamisme, la vitalité et la richesse culturelle de notre territoire » (Politis le 19 avril 2020)

Un peu avant 9 heures, le bus me dépose devant la gare de Clamecy… Me voici piéton pour 10 jours. Me voici pèlerin, ou l’étais-je déjà dans le train-bus? Clamecy, la ville de naissance d’Arnaud Montebourg, l’anti-Macron, comme l’a surnommé un journaliste politique.

Je suis accueilli par une affiche qui nous invite au Frexit. Je rejoins la collégiale Saint-Martin de Clamecy. Elle fut bâti en style gothique flamboyant au 13ème siècle (la tour ne fut édifiée qu’au16ème).

Prier un lundi matin, l’hiver, seul, dans une collégiale d’un bled au nord de la Nièvre, c’est là où j’arrive en terres exotiques. C’est là où je renoue avec la ferveur dans mes prières. C »est comme ça que je retrouve une foi brûlante, une connexion directe. Ce lundi 20 janvier 2020, je suis là où je dois être: à Clamecy. Le jeûne a déjà démarré hier à Bercy, le jeûne en marchant c’est aujourd’hui à Clamecy.

l’évêché de Bethléem-Lez-Clamecy

Clamecy, je t’aime mais je ne te connais point, je ne savais pas que toi aussi, comme Domfront, tu avais une église en ciment armé. Elle est nichée là, au bord de l’Yonne. Comme l’église Saint Julien de Domfront, elle date des années 20. Les deux sont de style néo-byzantin, et les deux sont rongées par le cancer du béton.

Comme sa collègue ornaise, l’église Notre-Dame de Bethléem est en rénovation générale… oui, c’est bien l’église de Bethléem, c’est bien Bethléem, figurant sur la carte IGN 2622 SB, Clamecy, Varzy, sur la rive droite de l’Yonne, face au bourg, au niveau du palais de justice (certainement désaffecté, comme à Domfront). Oui, Clamecy, c’est Bethléem, tel un Outre-Moyen-Orient niché en Bourgogne-Franche-Comté. Cette histoire dure depuis 1110. 1110, année de la création du siège épiscopal de Bethléem par le pape Pascal II au royaume franc de Jérusalem. 77 ans plus tard, la ville est reprise par les hommes de Saladin, au nom du califat abbasside de Bagdad.

Guillaume 4, croisé et fils de croisé, comte de Nevers, d’Auxerre et de Tonnerre, sentant le coup venir, avait légué en 1167 un bout de champ qu’il possédait à Clamecy aux évêques de Bethléem, avec un Hôtel-Dieu (pour les croisés mutilés). Ainsi Régnier, septième évêque de Bethléem, s’y réfugia. Depuis ce jour, l’évêché de Bethléem se situe à Clamecy, enclavé dans le diocèse d’Auxerre. S’il y a des amateurs, vous pouvez postulez car le siège est vacant. Sachez que l’évêché de Bethléem-Lez-Clamecy a l’avantage d’être un diocèse sans paroissiens et dépend directement du pape.

Après Bethléem, je sors très vite de la ville en empruntant une des variantes du chemin de Saint Jacques à rebrousse poil, c’est la voie de Vézelay. Ça sera ma première étape. Je traverse la forêt de Champornot. Après Chamoux, je pénètre dans la forêt domaniale du Vézelien. Un arrêté est affiché au bord du chemin, où l’on apprend que le préfet de l’Yonne est aussi Chevalier de la légion d’honneur et chevalier de l’ordre national du mérite. Le multi-chevalier a publié un arrêté pour porter autorisation de défrichement à Alexandre Le Corguillé, une jeune entrepreneur qui se lance dans les GFV.

Le Groupement de Foncier Viticole permet aux investisseurs de prendre des parts dans un domaine viticole, domaine loué ensuite par un bail à long terme à un viticulteur (fermage souvent réglé en bouteilles) puis ça permet de toucher les bénéfices de ce domaine au pro rata des parts investis. Les GFV sont souvent présentés comme des « solutions de diversification de patrimoine », bref, un truc de rentier.

Mr Le Corguiller est en tout cas un gérant drôlement efficace. Il a immatriculé sa société au registre du commerce le 1er juin 2017. Le préfet chevalier a autorisé les travaux le 28 juin 2017. Il s’agit d’un site natura 2000 mais le préfet argumente que « ça ne va pas porter atteinte au site classé», il s’agit de «reconstituer les parcelles viticoles qui préexistaient avant l’apparition du phyloxéra. »

Les fraternités monastiques de Jérusalem

Je la vois de loin. Vézelay. Perché sur sa colline, dominant davantage encore toute la vallée du haut de ses clochers, elle me fait tout de suite penser à Sancerres. En la pénétrant, je comprends qu’il s’agit de son miroir inversé. Sancerres surplombe des vignes tirées au cordeau, parsemé de hangars viticoles à l’architecture contemporaine et rutilante dans les villages fraîchement rénovés à l’ancienne. En revanche, Sancerres intra-muros, c’est vieillot, désert, des rues entières sont abandonnées à elle-même.

De l’autre côté du miroir, en s’approchant de Vézelay, il y a bien quelques jeunes vignes ou des parcelles défrichées en attente de plantation, mais je marche surtout au milieu de landes et de bois raccourci par les vents. En revanche, même en plein hiver, le bourg de Vézelay est animé, sa longue rue qui grimpe jusqu’à la basilique Sainte-Marie-Madeleine est jonchée d’échoppes ouvertes, et l’architecture est magnifique. En haut de la grand-rue, me voici devant la porte du presbytère de la fraternité monastique de Jérusalem. Une religieuse m’accueille et me montre le dortoir.

Bethléem, Marie-Madeleine, Jérusalem… je crois que je suis sur la bonne voie.

La sœur réceptionniste m’invite aux vêpres, à 18h. J’honore l’invitation de mes hôtes et je me rends dans la chapelle de la galerie du cloître de ma basilique. Il y a une douzaine de moines et de moniales, en habit blanc, et une poignée de fidèles en civil. Leurs chants sont merveilleux, sublimés par les voûtes sur croisé d’ogive de la salle capitulaire.

Lorsque l’on se donne la paix du Christ, une moniale me tend ses deux mains et serrent les miennes en m’accordant un regard si clair, si doux et heureux que je m’en souviens encore.

La lecture de la bible ce jour-là réveille en moi les sensations de tiraillement issues de mon lien à la religion. Le moine lit un verset du premier livre de Samuel, là où Dieu désigne son premier roi, et le rejette peu de temps après :

« Oui, l’obéissance est autre chose que le meilleur sacrifice, la docilité, autre chose que la graisse des béliers.Un péché de sorcellerie, voilà la rébellion, (…) « Parce que tu as rejeté la parole de Yahvé, il t’a rejeté pour que tu ne sois plus roi ! »

ça me fait saigner les oreilles… obéissance, soumission, docilité, voilà le salut… résister, argumenter, agir selon son libre arbitre… sont assimilés à de la sorcellerie.

Ça correspond bien à la façon dont Thomas Romer (exégète, philologue et bibliste suisse) parle des origines de la bible lors d’un de ses cours au Collège de France, en avril 2019 : « une des origines de la bible est peut-être un traité de soumission d’un peuple envers le roi d’un peuple conquérant. Au 7 ème siècle avant Jésus Christ, on peut faire un parallèle, trouver des similitudes très troublantes entre le livre du Deutéronome et les traités de vassalité assyrien : les serments de loyauté sont alors écrit par le pouvoir central dans tous les sanctuaires importants des pays soumis : donc aussi dans le temple de Jérusalem(…) et à la fois, on dit bible, mais on devrait dire bibliothèque, puisqu’il s’agit bien de multiples écrits, réalisés par des rédacteurs différents à des époques différentes. Et parfois si les assyriens -peuple dominant la mésopotamie et aussi les royaumes d’Israel et de Juda – peuvent êtres perçus comme étant à l’origine de la bible avec leurs premières annales, la bible est aussi parfois un contre texte a dessein de reprendre l’histoire dominante pour la détourner. »

Textes de soumission et textes de rébellion se côtoient, la bible est ambiguë, et telle est aussi ma relation à la foi. Élevé au catéchisme ( j’adorais les histoires qu’on me racontait, et l’exotisme des déserts de l’Égypte, de Bethléem et Jérusalem…) j’aimais bien ces temps où l’on parlait autrement, où l’on prenait de la hauteur, où l’on abordait des sujets profonds : quel est le sens de la vie ? Comment la mener ? J’ aimais aussi les chants des messes, cette assemblée qui se réunit pour chanter et prier ensemble, ce que je ne voyais jamais dans la vie quotidienne, je fus même enfant de chœur… Et puis… quand j’ai appris l’histoire de l’Église comme institution, quand j’ai réalisé que la société dans laquelle je vis se détournait du rite et de la foi, quand je me suis dit que la religion n’est qu’un outil de domination, légitimant le pouvoir d’une poignée d’humains sur le reste (qui pendant longtemps furent pour la majorité paysans), alors, j’ai vendu mon crucifix à un vide-grenier. J’accompagnais mon cousin d’Amérique revenu au pays le temps d’un été. J’avais garni son stand de quelques bricoles glanées dans la ferme. Un antiquaire, un de ceux qui éclairent à la lampe torche vos affaires à peine sortie du carton, a repéré sitôt le crucifix, celui qui trônait au-dessus de mon lit d’enfance, 10 francs… il n’a pas cherché à négocier… C’était l’acte symbolique du divorce entre moi et ma religion d’enfance. Tchiao Jésus, Salut Yahvé, j’me casse. Et puis après quelques années, après quelques tempêtes, je me suis dit que se priver de religion, c’est oublier tout un champ de questions. Et si j’ai décidé de croire à nouveau, c’est aussi par pragmatisme, tout simplement parce que c’est une bouée drôlement fiable en cas de tempêtes monstrueuses.

Revenir à sa religion d’enfance, c’est aussi reconnaître l’importance vital du rite entre humains… les rites chrétiens ne venant que se rajouter à toute une panoplie. Avoir la foi, c’est se mettre dans la peau de la majorité des humains sur Terre, et l’échelle chrétienne est une corde parmi des milliers pour tâcher de grimper avec son âme, elle a énormément d’inconvénients (dont son insupportable universalisme) mais elle a l’avantage de m’être très familière. Et pour moi revenir à la foi ne peut signifier épouser une institution – l’Église – qui est l’anti-modèle d’un collectif qui veut faire le bien partout en respectant les siens. Mais je pense que ça peut encore être repris en main de manière positive par la base en délocalisant radicalement le pouvoir, en déRomanisant, L’autonomie des diocèses, sur les dogmes, sur les rites, sur tout (nourri grâce aux échanges d’idées au sein de fédérations) voilà le seul avenir viable de l’église.

Elles sont modernes les sœurs de la fraternité, elles pratiquent le prix libre. Sur les troncs à la sortie des dortoirs, il y a seulement un prix conseillé. Dans leurs maisons d’accueil, elles proposent des séminaires. En septembre 2019, elles ont proposé une session

« la vigne et le vin » au programme : « prier avec la Bible, méditer dans les vignes… et déguster des vins! »

et si vous n’êtes pas trop pinard, vous pourrez participer à la formation suivante:

« manager avec le Seigneur: relire sa vie professionnelle, reprendre souffle et être dynamisé dans ses responsabilités. Expérimentations ludiques, partages, exercices et temps spirituels »

On peut dire qu’ils savent de quoi ils parlent: la plupart des frères et sœurs ont un mi-temps dans la vie civile. Ils attachent de l’importance à cette notion de travail, où tout travailleur est considéré comme un créateur. Je trouve que c’est une conception merveilleuse, fine et juste du travail.

C’est un homme qui a créé les fraternités : le père Pierre-Marie Delfieux. Après une traversée du désert, Il écrit son petit livre rouge : appelé sobrement : le « livre de vie » où il dessine un tracé spirituel pour ses ouailles. Il y rappelle qu’en chaque homme, il y a le reflet de l’image de dieu, il préconise de contempler dieu dans l’homme au cœur des villes. La fraternité est d’abord urbaine: d’ailleurs c’est l »église Saint Gervais, au cœur de Paris, qui lui est confiée pour y établir sa future fraternité en 1975). Vous pouvez rencontrer aussi la fraternité monastique de Jérusalem au Mont Saint Michel, c’est à elle qui a en charge la vie de l’abbaye.

élevage de pèlerins

Mardi 21 janvier 2020, deuxième jour de marche en jeûnant. 8h15, je prends ma tisane. J’ai loupé les laudes. Je me sens plutôt bien, pas trop de courbatures, la tête un peu serrée mais vraiment pas méchant, juste un peu engourdie. Quelqu’un vient de prendre son petit déj, ça sent le pain grillé.

Dans les vignes, je retrouve mes papys brûlant les sarments. A Pierre-Perthuis, je franchis la Cure. Je passe à côté du barrage de Malassis, juste après avoir atteint une vue d’où j’ai admiré la vallée du village de Cure, je marche sous Notre Dame de la Lumière dont la stèle est scellée sur un sommet rocheux et boisé. A St André en Morvan, Au petit vin blanc est fermé mais l’école résonne de cris d’enfants. En quittant le village par le lavoir, je descends le versant pour traverser le ruisseau du Saloir.

A Chastellux-sur-Cure, je m’apprêtais à m’engager dans un nouveau sentier pour gagner Marigny-l’Eglise, lorsqu’une femme, elle aussi marchant avec un bâton, m’interpella :

– Vous êtes courageux.

– Vous aussi

– Vous allez à Marigny ?

– Oui, c’est à combien de temps ?

– Une bonne heure-et-demi

– Vous savez s’il y a un hôtel ou une chambre d’hôte là-bas ? ?

– Je crois qu’il y a une chambre d’hôte, mais je ne sais pas si elle est ouverte, je vais appeler ma maman… elle fait aussi chambre d’hôtes

il est 17h, c’est mon deuxième jour et je viens de marcher 8h, une femme me propose une chambre d’hôtes chez ses parents à 400m de là… si j’avais programmé mes étapes, je n’aurai pas pu faire aussi bien. Je me félicite de l’aubaine en remerciant ma bonne étoile.

Nous marchons donc ensemble. J’apprends qu’à Vézelay, parmi ses 400 habitants 100 sont pensionnaires de l’hôpital psychiatrique, à l’extérieur des fortifications, où elle y travaille comme aide soignante.

On a de tous les âges, de 19 à 77 ans. Ils sont de plus en plus jeunes, ils n’arrivent pas à gérer leurs frustrations, et un jour ils se mettent à taper leur entourage. Ils viennent de l’hôpital d’Auxerre, ils sont censés être stabilisés.

Nous arrivons dans la ferme de son enfance, où ses parents y vivent leur retraite depuis onze années. Aujourd’hui, leur fille me dit qu’ils accueillent jusqu’à 500 pèlerins par an. Je la taquine :

les pèlerins ça marche bien

oui ça marche bien, rie-t-elle

Avant l’élevage de pèlerins, ils avaient des charolaises. La fille me présente sa mère, qui vient juste de faire le lit et de mettre le chauffage. Sur le seuil de la chambre, je rencontre le père :

Nous avions 80 hectares… aujourd’hui c’est tout petit. Ils ont 130, 150 ha… il faut au minimum 100 mères pour être heureux, même s’ils sont pas plus heureux financièrement. J’ai transmis à un jeune, mais ça n’a pas marché. Après 6 ans, il a tout bouffé, il ne payait plus.

Il m’explique que le notaire, étant de leur côté , a mis la pression sur le jeune pour qu’il signe la fin du bail.

La mère :

Il voulait absolument installer un jeune, ah, bah, y n’a eu

Je lui réponds que ça aurait pu aussi bien se passer, ça dépend de l’individu et pas de l’âge. D’ailleurs, il y avait à l’origine un autre jeune repreneur potentiel, mais il a été découragé quand il a compris qu’un agriculteur voulait l’empêcher d’exploiter certaines terres , la terre… la propriété… quelles inépuisables sources de tension et de conflits, Quand aura-t-on une société assez mature pour se la partager d’une manière plus douce, plus élaborée, plus commune ? Aujourd’hui, les terres de la ferme sont parties à un agrandissement.

L’abatteuse

Au matin, je rejoins le réservoir du Crescent, J’emprunte le pont de Queuzon puis je quitte le GR direction plein sud vers Chalaux et le Meix. A Mazignien, je rejoins un GR, le GRP tour du Morvan, j’aperçois le réservoir de Chaumeçon. Je traverse l’Haut de Chaud. J’arrive à Brassy, petit bourg avec un hôtel. Il est fermé mais ceux qui rénovent l’hôtel restaurant juste à côté me disent que leurs voisins vont ouvrir dans une heure. On cause un peu, il me dit qu’il aimerait lui aussi partir en pèlerinage, de chez lui, marcher sur le chemin d’Assise, chemin de 1500 km reliant Autun à Assise, ville de Saint-François.

Il est encore tôt, il est 16h, l’église est fermée, le soleil brille, je n’ai pas envie d’attendre ici, je file, c’est ambitieux mais je tâcherai d’atteindre Ouroux-en-Morvan pour y dormir.

A la sortie de Brassy, dans le bois Gaultron, je croise un monstre, une machine qui porte bien son nom : une abatteuse.

Symbole brutal de la main mise de la forêt par des investisseurs, dont la caisse d’épargne de Paris ou Axa assurances. Le bois et le Morvan, c’est une longue histoire. Déjà à partir de la fin du 16ème siècle, le Morvan fournissait Paris en bois de chauffage. Les radeaux voguaient sur l’Yonne pour convoyer le bois jusqu’à la capitale. Cette année, en traversant le Morvan, j’ai réalisé par le paysage l’exploitation de la forêt.

Je n’avais jamais autant ressenti le côté élevage de l’arbre. Élevage intensif. De la même manière que certaines de nos fermes sont devenues des usines à lait, à cochons ou à blé, certaines forêts sont devenus de véritables usines à bois. Et une usine, faut que ça dépote. Il ne s’agit pas de payer des bûcherons qui vont débiter, les grosses journées, 20 stères par jour. Une abatteuse, ça, c’est du sérieux : elle va mettre à terre quotidiennement 150 stères. Et c’est un minimum pour que ces machines à 500 000 € commencent à devenir rentable. Comme dit un bûcheron dans l’excellent documentaire « le temps des forêts », quand on travaille avec une abatteuse, « on travaille pour la banque et pour John Deere », ou autrement dit « on est esclaves de nos machines ». Et ces machines esclavagistes qui font travailler leurs acheteurs ou leurs salariés de 10 à 12h par jour, ces engins pèsent 15 à 20 tonnes, travaillent souvent en conditions humides… sans parler des porteurs forestiers, qui une fois chargé, défoncent les chemins avec leurs 40 tonnes.

Pour alimenter ces monstres, il faut que ça pousse vite. Les forêts mélangées et étagées, les hêtraies et chênais associés aux charmes, bouleaux et châtaigniers font place de plus en plus à de la monoculture de résineux. Aujourd’hui, les résineux (principalement douglas et épicéas) représentent près de 50 % de la forêt morvandelle. Du point de vue de l’investisseur pressé, ça s’entend : un hectare de douglas produit 15 à 20 m³ de bois par an, contre 5 m³ pour un hectare de chêne. Aujourd’hui, les douglas sont victimes de leur croissance exceptionnelle et sont abattus avec même 50 ans pour finir en palettes, palettes indispensables pour la circulation des objets en conteneur à travers le monde.

Il y a aussi beaucoup de bois exporté brut en bille vers la Chine, l’Inde ou le Pakistan et qui revient en France sous forme de meuble ou de parquets… participant ainsi à la valse mortifère des containers.

Les pépinières de douglas sont gérés comme des champ de maïs, on fait propre: pas de concurrence avec d’autres végétaux, pas de charançons, alors ça traite, des pesticides dans les forêts, voilà l’incarnation de la mal forestation.

Déséquilibre écologique : monoculture, pollution… la vie s’en va

C’est moins connu mais une forêt mélangée et étagée est une vraie éponge : 1 hectare de forêt fixe 100 fois plus d’eau qu’un hectare agricole.

Dans l’homme qui plantait des arbres, Jean Giono rappelle très bien ce lien intime entre l’eau et la forêt :

« Les vielles sources, alimentées par les pluies et les neiges que retiennent les forêts, se sont remises à couler »

Son berger qui plantait des arbres dans «cette très vieille région des Alpes qui pénètre en Provence », a transformé un désert, « des landes nues et monotones« . Par la voie des arbres, la vie est revenue, les fermes se sont reconstruites. « Une population venue des plaines où la terre se vend cher s’est fixée dans le pays, y apportant de la jeunesse, du mouvement, de l’esprit d’aventure. L’eau coule abondamment dans la fontaine, à l’ombre d’un tilleul au milieu de la place du village.« 

Finalement, et même si ça peut paraître contre-intuitif, l’enrésinement est une forme de déforestation, ou en tout cas de malforestation. Ses investisseurs pressés au profit étreignent et oppressent un massif forestier prodigieux au cœur du pays, dans la montagne granitique: le Morvan.

Il est urgent d’ appliquer une gestion des forêts respectueuse du vivant et un peu réfléchie sur le long terme. Bref, il est grand temps d’adopter une conduite responsable, mesurée et intelligente. Il est temps de changer d’état.

Savaul Détour

Au soleil couchant, je réalise que je ne vais pas atteindre Ouroux ce soir. A la sortie de Fonteny, je questionne une femme qui va de sa ferme à la maison. Elle me confirme qu’Ouroux est encore loin, mais elle me parle d’une chambre d’hôte, plus près d’ici, elle ne sait pas si c’est encore ouvert, c’est à Savault, et ça s’appelle Savaul Détour… Je repars, tout reconnaissant envers cette femme. Ces marches nocturnes sont les plus excitantes. Je ne se sais pas où je dormirai, mais une fois franchi les inquiétudes, je suis porté par la confiance, par l’effort de toute la journée, tout est chaud, les muscles du corps et de l’esprit, tout flotte sans efforts. Et qu’est ce que c’est bon de ne pas connaître l’endroit où l’on s’arrêtera, où l’on posera son sac et où l’on dormira.

Me voici devant une grande longère, celle de « Savaul Détour, avec la pancarte « gîtes de france ».

Les chambres d’hôtes sont complètes : il y a un enterrement. Il accepte de me laisser le gîte juste pour une nuit. Il me fait visiter, on négocie un prix, puis on cause un peu. Quand je lui demande quels types de personnes viennent dormir chez lui, il me parle des belges qui font du « off road ».

Le off road est à la rando ce que l’abatteuse est à la forêt. Ça consiste à emprunter des petites routes de campagne, des chemins viscinaux, des sentiers, le cul posé sur les sièges d’un gros 4×4. Ils font des « franchissements » et roulent une centaines de de kilomètres par jour, mon hôte me raconte qu’il a accueilli des belges qui ont « fait » le trajet de l’espagne jusqu’au morvan seulement en roulant sur ce genre de chemins de pèlerins… un pèlerinage en 4×4, voici une belle incarnation de l’obscénité.

De Savault à Anost

Jeudi matin, quatrième jour. A Brassy, une femme m’a conseillé d’aller vers Saint Brisson et le lac des Settons. C’est ce que je vais faire.Je fabrique mon itinéraire au fur-et-à mesure, luxe inestimable de ne pas avoir de réservations, mais juste une direction ; Au réveil, je ne sais donc pas encore si une fois arrivé au lac, je continue plein est vers Moux-en-Morvan ou bien si je bifurque plein sud vers Anost (prononcer anneau).

Je me sens bien, je vis vraiment bien le jeûne, je ne rêve plus vraiment de nourriture. Les épaules, c’est beaucoup mieux que les années précédentes, le nouveau sac à dos apporte un vrai plus. Et les bâtons ! Hier, j’ai trouvé sur le chemin mes nouveaux compagnons, il n’y a pas à tortiller, c’est un vrai plus, une vraie aide. Des béquilles. Allez, une seconde tisane, puis je fais mon sac, et c’est le départ, l’aurore point.

Premières minutes, sur un étroit chemin, je croise un petit troupeau de génisses charolaises sans pasteur, elles ont l’air déterminée à aller là où elle doivent aller.

Entre Savault et Ouroux, je quitte le GR pour m’enfoncer dans le sud ouest de la forêt d’Argoulais. Au niveau du pré de Sennecot, je récupère un GR qui m’emmène plein est vers le lac des Settons. Il est midi, le soleil est radieux, le lac est majestueux, je ne croise personne, à part deux copains, des jeunes retraités, leurs femmes travaillent encore, ils viennent de Nevers et ils sont venus faire le tour du lac et pique-niquer.

Au lac, j’ai repris les traces du GR13 qui m’emmènent plein sud, mon objectif est de trouver un lit à Anost. A la Chaise, je sais que je viens d’entrer dans la zone d’influence d’Anost, dévoilé à travers l’affiche d’une soirée choucroute. En sortant de la Chaise, une grosse maison, ancien gîte d’étape, un chien m’aboie, ça j’ai l’habitude, le maître sort et aboie encore plus fort que son chien, je presse le pas, ça aboie trop dans le coin. Me voici entré dans la forêt domaniale d’Anost.

La nuit est tombée, je vois les lumières du bourg, en bas, dans la vallée, je descends de ma montagne à la frontale, je me sens bien. Je pénètre dans le cœur de mon jeûne et dans le cœur du Morvan.

Bientôt 20h… une lumière de magasin, c’est un tabac, avec sa devanture de la fin des années 70, il est beau.

15 mètres plus loin, de l’autre côté de la rue, il y a un hôtel, toutes lumières éteintes mais un écriteau annonce qu’il est sorti de son hibernation et a rouvert pour la nouvelle saison. Portes fermées.

je rentre donc là où c’est ouvert, dans le tabac. Je demande des renseignements pour un hébergement, elle a peur, mais elle finit par aller chercher une brochure, puis par me donner un numéro de l’hôtel ouvert-fermé.

Une femme décroche, quelqu’un va venir m’ouvrir une chambre. L’accueil est expéditif et efficace : en moins de 5 minutes, me voici installé dans ma chambre.

Le matin, je vais payer au bar, mais cette fois-ci, c’est Sandrine, la fille qui m’accueille. Le père, René Fortin a bâti avec sa famille un véritable empire touristique dans son fief d’Anost : un gîte à 16 lits, 2 meublés, un hôtel, un bar, deux restos, aujourd’hui, c’est donc la mère et la fille qui gèrent. Sandrine me sert une tisane et nous parlons de son village.

Le troisième week-end d’août, Anost passe de 700 à 5000 habitants. Et qu’est ce qui attire autant de monde d’un coup ? La vielle à roue ! Cette fête de la vielle émerge de la vague néo-trad déferlant dans certaines campagnes à la fin des années 70. Sandrine m’explique que ça sonne dans le hall de l’hôtel jusque tard dans la nuit. Ça a l’air d’être une communauté bien vivante, Anost. La tenancière m’égrène les fêtes du village : fête de la vielle, fête de la Saint Amour, fête de l’écrevisse, la fête du livre, la Nostienne (avec ses circuits de randonnée de 9 à 27 kilomètres). Il y a aussi la foire du 1er décembre, où les éleveurs organisent un grand concours de vaches charolaises. Ils le font sous la halle du village, une somptueuse halle contemporaine en bois massif. Le maire de l’époque (Jean-Claude Nouallet) et son équipe ont fait ça bien : que du bois et des boites locales. Le choix contraire eut été choquant: sur ses 5200 hectares, plus de 3500 sont recouvert par la forêt. Et le savoir-faire des artisans locaux est bien présent. Le bois morvandiau est passé par la scierie de Saint-Léger-Vauban. La halle fut bâtie par des charpentiers du Magny, les maçons et les couvreurs viennent d’Autun.

Réchauffé par la tisane et la conversation avec Sandrine, je reprends mon chemin plein sud direction Roussillon-en-Morvan. A la sortie du village, un vieux médite sur son déambulateur. Je passe, nous nous saluons. J’avance. En avançant, je regrette de ne pas m’être arrêté pour parler avec cet homme. Je pense qu’il aurait aimé que je m’arrête. Il y a des moments ou faire demi-tour n’est pas encore trop tard. Je fais demi-tour et nous causons. Il était couvreur. Il me parle d’un centre de vacances qui a fait faillite, sur cette rue là même où nous trouvons. Avant que ça cabane, il a refait la couverture, avec des ardoises de 22 par 25 fixées avec des crochets en cuivre. Il a aussi posé beaucoup de fibro au cours de sa carrière. Il me dit que le maire (à l’époque, donc, Nouallet) est un bon maire :

– c’est lui qui a monté la halle. Il fait aussi partie des machins de commune.

Ce papy a trouvé la formule parfaite pour définir comment la population perçoit les communautés de communes, métropoles et tous les autres établissements publics de coopération intercommunale. En s’éloignant des communes, le pouvoir s’éloigne de ses habitants. Ces établissements publics – initialement conçus pour être au service des municipalités – dépossèdent les compétences des maires. Les machins de communes s’accaparent les compétences juridiques, les moyens financiers et humains. Les politiques publiques sont dorénavant gérées dans des technostructures hors de portée des citoyens. Cela pose un grave problème d’invisibilité démocratique

Je ne programme pas mes étapes lors de mon pèlerinage mais ce soir, j’ai un rendez-vous : des amies que j’ai connu à Rennes se sont installées à Roussillon-en-Morvan il y a quelques années. Ce soir, j’irai dormir chez elles. Je garde donc le cap du sud. Je fais une pause à Velée. La chapelle Sainte Claire est ouverte. Une chapelle qui remonte au Xième siècle mais qui est toute pimpante (reconstruite au 19ème et régulièrement entretenue). Ce qui saute aux yeux en entrant, c’est la fresque murale aux couleurs éclatantes. J’apprendrai plus tard qu’il s’agit d’une peinture a fresco, c’est à dire réalisée sur un mortier encore frais, un mortier amoureux. Les pigments naturels à base d’ocre résistent à la chaux et pénètrent l’enduit. Cette technique byzantine permet d’avoir une peinture murale qui dure et qui garde tout son éclat. Cette fresque fut réalisée en 1966 par un moine bénédictin médiéviste et artiste : Dom Angelico Surchamp.

La charpente apparente est aussi remarquable. En sortant de la chapelle, un écriteau me renseigne qu’à quelques mètres en contre-bas se trouve « une fontaine à rite thérapeutique » L’eau de la fontaine Sainte Claire guérit les maux des yeux. Enhardi par cette promesse, je pars à la quête de cette fontaine. Je descends, je tourne en rond, j’observe, je cherche des pistes… rien. Une femme est dans son jardin, elle m’apprend que la fontaine est sur un terrain privé. Les propriétaires laissent les pèlerins accéder à la fontaine miraculeuse mais ils ne sont pas chez eux : c’est leur maison secondaire. Le phénomène des résidences secondaires annihilent la guérison des malvoyants. Un peu déçu de ne pas pouvoir passer l’eau de Sainte Claire sur mes yeux, je m’engouffre à nouveau dans les bois. Il est encore tôt et Roussillon-en-Morvan n’est plus très loin. Sans le vouloir mais avec un inconscient qui m’a sans doute enclin à lâcher la carte et l’itinéraire, je me perds, et je fais un gros détour. Je donne un coup de fil à un collègue agriculteur. Je lui dis où je suis, et ce que je fais, le jeûne, la marche… et Laurent me répond : « Je ne sais pas comment tu fais… moi qui n’ait jamais sauté un repas de ma vie… Je travaille pour manger, alors je mange à tous les repas ». Je ris.

la Cafetière

J’arrive au lieu-dit les Pécinnes, chez Fanny Bartoli et Isabelle Frémin. En 2012, elles ont pris la décision de vivre ici. Elles ont acheté une ancienne ferme à une heure à pied de la terre de la grand-mère d’Isa. Avec un père principal de collège et une mère proviseure, Isa est habituée à la vie nomade, alors cette terre familiale, la terre de sa grand-mère du Morvan :

C’était un point d’ancrage, mon repère. On passait toutes les vacances ici. Déjà petite, je savais que j’habiterais ici un jour

Elle sont devenues propriétaires d’un gros corps de ferme avec 2 hectares pour 100 000 € et 3-4 ans de travaux. Elles ont tout rénové elle-même sauf la plomberie et le toit de la grange. Parallèlement, elles ont mis en route leur projet : transformer cet espace en lieu de rencontre et de mixité sociale. Pour Fanny, éducatrice spécialisée, cela passe par la création d’une activité d’accueil temporaire d’handicapé mental. Pour Isa, artiste plasticienne, il s’agit de créer son propre atelier et d’ accueillir des artistes en résidence. Le tout sublimé par l’organisation régulière de concerts, soirée jeux…

On n’avait pas prévu que ça prenne autant de place. On a démarré surtout à 2. Aujourd’hui, nous sommes une vingtaine de membres actifs et 200 adhérents. Le premier concert dans la maison, il y a eu une centaine de personnes. Il y a une confiance que l’on offre de base, à partager ainsi notre maison. On fait des soirées contes, chansons, théâtre… un mardi soir, il y avait un concert de musique improvisée, basse, batterie et violon, tout amplifié, ça a remué les gens…à partir de ce moment-là, on s’est dit que tout est possible.

Concernant la partie accueil d’handicapés, Fanny et Isa accueillent six personnes maximum l’été , et le reste de l’année trois.

Il arrivent comme chez mémé, dit Fanny. Ils reviennent souvent, ils sont dans quelque chose qui ressemble à la vraie vie. Il n’y a plus seulement eux et les accompagnateurs, il y a aussi le reste du monde. Tout le monde a un prénom, ça enlève les statuts, et ça retape les gens, c’est impressionnant. Ça marche à tous les coups. Ce qui leur change beaucoup, ce sont les odeurs. Ils ne sont plus dans des trucs en plastoque toute la journée.

Pour concrétiser son projet d’accueil, Fanny a dû batailler avec les services de l’état. Ça sortait trop du cadre, l’accueil d’handicapés comme chez mémé.

On te dit que tu vas finir en prison. C’est dur de trouver des infos. Puis on a fini par trouver un vide juridique. On a chopé toutes les petites feintes. Il a fallu faire un dossier d’inscription en béton. On est le pot de terre contre le pot de fer, mais au moins, on s’assure qu’on n’ira pas en prison.

Fanny est en contact avec des foyers d’hébergements pour adultes handicapés et des ESAP [Etablissement et Service d’Aide par le Travail – jadis les CAT] mais les inscriptions pour venir en séjour chez Fanny et Isa sont individuelles.

On a l’agrément pour « séjour adapté » Nous sommes immatriculés au registre du tourisme. On doit payer une grosse adhésion à l’union nationale des assos de tourisme afin d’obtenir une garantie financière obligatoire.

Et en accueillant moins de 7 personnes à la fois, elles échappent aux normes inhibitrices des ERP [Etablissement Recevant du Public] … nous voici rendus dans le doux monde acronymistique de la bureaucratie… la DDCSPP est venue contrôler

C’était vraiment quitte ou double. Ça c’est génialement passé. Mais ceux qui instruisent les dossiers n’y pigent rien.

Isabelle, quant à elle, a transformé l’ancienne grange en atelier. Elle a accueilli quelques artistes en résidence, mais seulement sur cooptation :

Je ne suis pas prête et trop fragile pour accueillir des gens avec qui humainement, ça le ferait pas.

La DRAC [Direction Régionale des Affaires Culturelles] Bourgogne a aidé au financement de la rénovation de l’atelier. En contre-partie, Isa a réalisé des interventions auprès de divers public pour les initier à la création en tant que médiatrice.

Tout ce qui est financé artistiquement, il leur faut du social avec… 

Elle est par exemple intervenue à l’HP  pour amener les patients à monter des oeuvres . Elle a aussi travaillée dans un lycée professionnel :

Le rectorat leur avait imposé le truc. Les profs n’en voulaient pas. Je faisais en sous-terrain. J’ai froissé des égos sans m’en rendre compte. L’institution, je la prends à l’envers à chaque fois. L’expo, elle a été annulé. J’ai encaissé.

A force de prendre à l’envers, ça fatigue :

ça a perdu mon sens profond. Au bout d’un moment, tu ne peux plus raconter aux autres comment être artiste si je ne peux plus l’être. Je vais faire une formation de tapisserie, j’ai besoin d’engranger du savoir.

Après la distribution, Isa a besoin de récolter… Quant à l’accueil des handicapés, ça la renourrit :

J’ai côtoyé suffisamment d’artistes… Avec des fous, ça bouscule le quotidien. L’apprentissage principal pour moi, c’est à propos des objets. Les objets, j’y tiens… j’ai appris à ce que les objets soient cassés, comme la cafetière de ma grand-mère. C’est comme une espèce de coloc. C’est dans tes murs à toi, c’est chez plein de gens, et c’est chez plein de gens… en même temps. Pour moi, c’est une forme d’aboutissement, les gens investissent le lieu.

Le fil rouge d’Isa et Fanny, c’est donc l’accueil dans la confiance, couleur qui s’accorde bien avec le Morvan, qui a pu cacher des maquisards dans ses forêts escarpées.

Il y avait beaucoup de maquis ici, plein d’espagnols, plein de polonais, des turcs, des bûcherons…

De la fin du 18ème jusqu’aux années 60, des gamins de l’assistance publique sont placés dans le Morvan. C’était un coin rude, pauvre, c’était le trou du cul de la Bourgogne.

Au réveil, Nous trifouillons les cartes tous les trois, les cartes IGN, surtout la 2824OT, Autun Mont Beuvray. Les filles me parlent de leur lac préféré, je vais passer à côté, c’est à la Goulette, dans la forêt domaniale de Saint Prix. Je suis entre de bonnes mains, elles me dessinent un itinéraire majestueux. Je me dirigerai aujourd’hui vers Glux-en-Glenne. Dans la forêt domaniale de Glenne, je marcherai dans les fabuleuses gorges de la Clanche. En passant par le col de la Croisette, je vais atteindre le sommet du Morvan : le Haut Folin (à 873m). ça sera une étape grandiose, spectaculaire, absolument seul, dans ce paradis d’arbres et d’eaux.

En sortant de la cafetière, je repasse devant une ferme, à Jeusot. Hier, j’ai vu qu’il y avait des poules pondeuses, et sans doute des vaches. Une femme est au bord de la route… nous nous saluons, je ralentis… nous avons visiblement chacun envie d’en savoir plus l’un sur l’autre. Elle s’appelle Isabelle, la discussion est très facile à entamer, elle se poursuit rapidement avec Jean-Claude qui vient de descendre de son tracteur. Puis je rencontre aussi Elie. Ils m’expliquent l’organisation de leur élevages de 90 mères charolaises (le père de Jean-Claude en avait 7) sur 170 hectares . Ils vendent une dizaine de bêtes par an en vente directe ( à12€/kg). Les autres broutards sont élevés jusqu’à 10 mois. Ils partent à l’automne, au nourrisseur. Souvent, c’est en Italie, ils sont engraissés dans la plaine du Pô.

Elie est dans le box, au milieu des bêtes, et il pince de la peau de vache :

On regarde la finesse de la peau, m’explique-t-il, plus c’est fin, plus la viande est tendre.

En rejoignant le GAEC de la ferme de Roussillon en 2018, Elie a sorti de terre un poulailler de 249 poules pondeuses en plein-air. Pourquoi pas 250 ? Car c’est le palier à partir duquel on doit mirer les œufs sur place (regarder par transparence avec un appareil lumineux l’intérieur d’un œuf). Ainsi, à partir de 250 poules, votre centre d’emballage doit contenir une mireuse et une calibreuse, il faut compter environ 25 000€. En 2014, deux associés, sont arrivés sur la ferme en ramenant un troupeau d’une centaine de chèvres alpines dont ils transforment le lait en fromages.

Jean-Claude m’invite à leur café du matin. Entre la fromagerie et la cave, nous buvons notre boisson chaude.

Une partie des terres de la ferme est zonée ICHN, c’est à dire que les associés reçoivent l’Indemnité Compensatoire de Handicaps Naturels. L’appareil administratif sait administrer la tournure. C’est vrai que ça fait plus sérieux que de simples aides pour des zones de montagne. Jean-Claude m’explique que la ferme se situe sur un terrain granitique. Le granit est à 30 cm. Il me demande ma direction, je luis explique que je vais vers Beaune. On se met à parler vin

Ce sont les meilleurs vin en France, le Gevrey Chambertin, Meursault, Puligny-montrachet…

En évoquant ces lieux, les yeux de Jean-Claude s’allument. Nous sommes là dans les côtes de Beaune et les côtes de Nuits, c’est tout près d’ici, mais il ne s’agit pas du même monde

à Nuits-Saint-Georges, on a un ami charpentier qui a participé à un chantier pour un vigneron : une cave à 3 étages, à 15 million d’euros. Une cave à 15 millions !On ne joue pas dans la même cour. Nous, on a fait refaire notre toiture par quart.

Avant de les quitter, Ils me font visiter leur échoppe. J’aperçois des verrines de bolognaise et de tripes de bœuf. Je trouve l’idée excellente et j’apprendrai à mon retour avec joie que mon découpeur va s’équiper l’année prochaine pour réaliser lui aussi bolognaise et tripes en bocaux.

Le soir de cette sixième journée, j’arrive à la nuit tombée à Glux-en-Glenne. Il y a des chambres d’hôtes mais c’est fermé. Le hameau comporte peu de maison, je frappe à la seule que je vois allumée. Rien ici me dit l’habitant, il m’indique une direction où il y a, à 2 km d’ici, une chambre d’hôte. En sortant du village, au dernier lampadaire, je m’engouffre dans la nuit du Morvan. Après quelques pas, j’entends une auto, elle roule doucement. A ma hauteur, elle s’arrête. C’est l’homme qui vient de m’indiquer le chemin, il propose de m’emmener. Arrivés chez l’hôte hollandaise, elle nous annonce que sa chambre à louer est en chantier ; impossible de m’accueillir. Elle passe un coup de fil, puis un deuxième, une femme va m’ouvrir une chambre dans le gîte d’étape de Glux-en-Glenne. Demi-tour, Eric me dépose devant le gîte, je lui exprime toute ma reconnaissance. Il y a de la lumière, la porte est ouverte, un mec très sympa m’accueille, c’est le seul hôte de ce grand gîte de groupe. David est un militaire belge, il randonne en courant dans les forêts.

Le repos est une arme me dit-il en allant se coucher.

Les Eduens et les galvachers

Au matin du septième jour, j’arrive assez vite à l’oppidum de Bibracte : une agglomération active… vers 60 ans avant notre ère. Bibracte fut la capitale du peuple celte des Eduens. Les Eduens avait fait alliance avec les Romains, et ils dominaient leur vaste territoire depuis ce sommet du Mont Beuvray. Après la guerre des Gaules, l’oppidum se développe, à l’image des oppida romaines qui fleurissent de l’Atlantique aux Carpates, Ici, les romains ont fait construire une basilique civile qui répond parfaitement aux standards romains (source de l’architecture chrétienne au 4ème siècle de notre ère). L’oppidum se développe jusqu’aux années – 20. La fondation d’Augustodunum (Autun) vers – 15 va marquer le début de son déclin, qui sera achevé une génération plus tard.

Là-haut, une vue époustouflante permet d’embrasser le paysage d’un seul regard. On comprend pourquoi les chefs Eduen ont choisi de vivre ici. Et je comprends aussi les galvachers, ces paysans nomades du Morvan qui partaient à la belle saison avec leurs bœufs de traites pour louer leur attelage pour des travaux de débardage. Car ce paysage appelle au nomadisme celui qui l’admire. Après sept jours de marche, je me laisse envahir par l’émotion. Je vois le Morvan, je l’ai littéralement sous les yeux, il se laisse admirer et il m’appelle à le rejoindre, il m’appelle à descendre, à plonger dans l’horizon, à plonger là-bas, à Augustodunum. Je plonge avec joie, avec une grande joie, à ce moment-là, sur le GR 131, plein est, vers Saint-Léger-sous-Beuvray.

Après avoir passé la montagne de la Plante, je choisis, vu l’heure, de quitter le GR pour emprunter la départementale qui mène à Autun. Je sais d’avance que ça sera pénible, les bas-côtés étroits et le bruit des bagnoles., c’est un milieu très hostile pour un marcheur. Même quand on se réfugie dans un champ, c’est hostile : je me suis écarté de la route pour pouvoir parler au téléphone avec ma femme. J’ai ouvert une barrière et je me suis installé sous un chêne à 30 m de la route. Un mec aux épaules carrées s’approche vers moi à pas décidés. Mon premier sentiment est positif : je suis heureux qu’une personne vienne à ma rencontre. Puis au fur et à mesure qu’il se rapproche, je distingue les traits de son visage, la mine est très renfrognée. Il a un enfant de 5-6 ans dans les bras.

Qu’est ce que vous faites ici ?

Avec le sourire (j’ai vraiment le sourire facile et la mine réjouie quand je jeûne), je lui explique pourquoi je suis là.

Ça le calme un peu, une légère décrispation intervient très subtilement sur son visage, qui se referme aussitôt. Sans mot dire, il me tourne le dos pour rejoindre son fourgon. Après quelques pas, il se retourne :

Et vous refermez bien la barrière.

Voilà, l’échange est clôturée.

En y repensant, malgré son attitude agressive, je me souviens avoir vu beaucoup de peur dans son regard, tellement de peurs…. Quand j’arrive à la ville, il est bien 21h, je passe devant 2 hôtels ouverts, en face la gare. Je décide de remonter la grande rue pour voir à quoi ressemble le centre. Je choisis un des deux hôtels, celui où l’on aperçoit le réceptionniste derrière son grand comptoir. Il m’accueille avec un large sourire brillant, ce qui me procure un bienfait immédiat. Il va longtemps me parler, cet ami réceptionniste. Avant que je ne monte dans ma chambre, il m’a livré ses rêves, ses mélancolies, ses souffrances. Il cherche à rentrer dans le staff technique d’une équipe de foot pro. Quand je lui ai parlé de ma marche en jeûnant, il m’a dit :

Vous fonctionnez dans l’émotion, c’est ça votre moteur, vous baignez dans la joie. La joie, elle en produit, de l’énergie. Vous décidez quelque chose, et votre corps doit suivre. »

Il faut donc que je fasse attention à ce que je décide.

Je quitte Autun par une étroite porte percée dans ses remparts pour entrer dans la forêt de Planoise. En fin d’après-midi, je tombe sur une battue. Je sors mon gilet jaune. Je discute avec un des chasseurs, il me conseille de m’acheter une petite corne de brume pour les prochains coups : en plus d’un moyen de communication (il y a un code de sonnerie pour prévenir de l’arrivée des animaux), ça sert d’abord à prévenir de sa présence. Je longe le cercle des hommes armés, j’entame la discussion avec un autre encore, Marc Périllat, maire de Lucenay-l’Ecêque. Marc m’explique la différence ente les chasseurs, les postés et les traqueurs. Mon errance le fait penser à son père, médecin, qui avait recueilli un soir de Noël un anglais perdu au milieu de la forêt. Le ciel est bas, la forêt sombre, le balisage est rare, je reste concentré sur la carte et sur les troncs des arbres, à traquer les bandes rouges et blanches.

Au matin du neuvième jour, je me réveille à Le Creusot, ville industrieuse nichée au pied sud-est du massif morvandiau. Je la quitte laborieusement par le nord-est. A Saint Firmin, un homme est à sa porte, il parle à son chat, collé au mur de la maison, à l’abri du vent :

Va foutre le camp ! Va donc dehors ! Saleté, va !

Ses mots sont dits sur un ton tellement doux et affectueux, ça me touche, cette relation entre un homme et un chat. Je suis le GR 137, qui me mènera jusqu’à Nolay, en Côtes d’Or. Progressivement, je quitte les charolaises pour la vigne et les châteaux.

Dernier jour, je grimpe sur les falaises jurassiques du Cormot. Construit au pied de falaises du même acabit, me voici dans le village de vignerons de Saint Romain. Il y a un gros chantier à la sortie du village, la route est barrée. Je jouis de mon privilège de piéton, et je marche seul, en admirant les vignes et les falaises, lorsque mon pied s’enfonce dans du ciment frais : je n’avais pas repéré la petite bande au milieu de la route. Juste à ce moment là, un ouvrier passe avec son camion. Il m’offre de l’eau pour nettoyer ma chaussure. Il m’explique qu’ils sont en train de poser la fibre optique. Il est déjà tard lorsque j’arrive à Pommard. Ma frontale allumée, je m’engage sur le tout dernier tronçon de mon pèlerinage : le véloroute Beaune-Santenay.

10 jours. Beaune. J’ai vidé mon corps et mon esprit. L’esprit est devenu une coupe vide dans laquelle les pensées peuvent danser, virevolter puis s’en aller. Comme dans tout milieu stérile, un agent pathogène peut devenir très dangereux, une pensée négative a toute la place pour s’étaler. Le jeûne devient alors comme un entraînement pour dompter ces pensées négatives, un exercice largement facilité par la marche dans les campagnes. Un exercice qui apprend à canaliser, à maîtriser, à ne pas se laisser déborder. Dans un ibis des faubourgs de Beaune, il est encore question de joie. J’écoute François Cheng à la télé. Il dit que l’on ne peut connaître la vraie joie qu’à condition d’avoir réussi à traverser les souffrances, à les transcender, tel Saint François d’Assise. François Cheng aime ce saint, et au terme de ces 10 jours, je prends ces paroles comme un signe, un signe faisant écho à mon propre intérêt pour ce saint, écho aussi aux chemins d’Assise que j’ai rencontré plusieurs fois lors de ce pèlerinage, je crois bien que mon itinéraire jusqu’à Jérusalem est en train de se définir.

17 Sep, 2020 | Le Pélerinage | 2 commentaires

2 Commentaires

  1. camille

    Je ne sais pas si tu jeûnes en marchant ou si tu marches en jeûnant, mais moi à te lire je me suis régalée assise ! Merci Samuel

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    • Samuel

      Merci Camille. Je retourne bientôt en cuisine… je repars sur les chemins en Octobre.

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